mardi 21 septembre 2021

SAMUEL BUCKMAN / BIOGRAPHIE


BIOGRAPHIE

Samuel Buckman est né en 1972 à Saint-Omer, à l’orée des marais de l’Audomarois où l’on cultive encore des chouxfleurs et des artichauts – deux fleurs qu’il aime cuisiner et manger. Après une vingtaine d’années passées dans un trou noir, il naît une seconde fois en 1992, lorsqu’il entre à l’École des Beaux-Arts de Dunkerque.

Il vit maintenant à Caen, en Normandie, et s’évade quelques fois à la découverte de nouveaux horizons, même s’il conserve au fond de lui un grand attachement aux paysages du Nord.
Il aime travailler avec d’autres pour expérimenter de nouvelles énergies, comme au sein du collectif d’artistes CLARA, ou avec la danseuse et chorégraphe Viviana Moin avec qui il explore le champ de la performance, et esquisse d’autres formes de dialogue artistique avec des autrices comme Perrine Le Querrec, Mélanie Leblanc ou Albane Gellé. Il aime aussi les résidences artistiques qui sont prétextes aux rencontres pour enrichir et déplacer ses projets.

Lorsqu’il est seul, il marche dans des zones portuaires, des chantiers désaffectés ou à travers champs, comme dans les films de Bruno Dumont. Durant ses déambulations, il filme la danse des objets inertes que le vent anime, ramasse des objets rebuts, clous rouillés, cornets de frites, tessons de céramique et billes en tout genre porteurs d’un « potentiel possible ».
Il dessine chaque jour, sans préméditation. Chaque dessin est un cri. Ses oeuvres sont autant de prélèvements de vie, aléatoires parfois, tranquillement fragiles.

« ... toute l’invention consiste à faire quelque chose de rien.» Racine, Préface de Bérénice

Me défiant de l’image, je m’attache à créer les conditions de la vue : rester entr’ouvert pour espérer (risquer) entrevoir le monde. Je travaille sans préméditation, dans l’élan d’une promenade, en récoltant des objets rebuts, en me laissant traverser par une rencontre ou un mot... Je demeure dans une économie, tant de l’objet, du regard que du geste. Les matériaux sans valeur - des médicaments devenus substances à dessiner, des clous rouillés assemblés
en sculpture, une poutre, de la cendre, un cageot, une pièce de puzzle - une fois reconsidérés par et dans le geste, constituent la matrice d’une recherche plastique poursuivant la modestie des formes au détriment du manifeste. Ces formes toujours modestes rejoignent tantôt le champ de l’installation, de la sculpture, quand il ne s’agit pas de photographies, de vidéos ou de dessins. Le geste, résolument, ouvre. Depuis 2012, j’éprouve et explore un travail de dessin au quotidien, dans une forme de commande adressée à moi même : réaliser un dessin par jour et
le publier. Ces feuilles constituent autant de traces de ce qui surgit ou s’enfuit, de ce qui advient ou disparait, de ce qui nous traverse. Elles offrent quelques fragments ou sédiments d’un monde qui n’apparait que dans l’instant suspendu d’une vision. Modestes et discrètes, les formes que
je propose s’efforcent de révéler autant de points sensibles, à l’image du punctum évoqué par Roland Barthes, cet élément qui part de l’œuvre « comme une flèche, et vient me percer », envisagé encore comme «piqûre, petit trou, petite tache, petite coupure – et aussi coup de dés». Fin 2019, j’ai initié une nouvelle voie de recherche, une ouverture à la peinture que depuis longtemps je m’étais formulée, revenant à une pratique que j’avais mise de côté lors de ma troisième année à l’école des beaux-arts en 1994 au profit de la photographie, de la vidéo, du volume et du dessin.

Je peins comme je dessine chaque jour, dans une forme d’attention aiguë doublée ici d’une lenteur essentielle, vecteur d’une sédimentation nourrie de tensions, de soulèvements, de télescopages, de réminiscences, de projections, d’inconnues. Mes premières peintures se nourrissent de bruissements et de ruminations de notre monde contemporain, dans un partage avec la pensée d’auteurs et de chercheurs travaillant sur des notions en mouvement, récurrentes et pourtant en perpétuelle mutation : la pauvreté, le travail, la fragilité du vivant, les flux migratoires, l’impermanence... Mon travail s’élabore également d’un rapport ouvert au langage, politique, poétique, équivoque. La graphie des mots a laissé les formes du dessin advenir au- devant de glacis superposés, premier pas vers la géologie de la peinture.