Se retourner et renouer. Sur la série photographique, Death valley d' Alexandra Fleurantin. Thibault Le Forestier, novembre 2022

 

Se retourner et renouer

 

Il existe un mythe sur la naissance de la sculpture, que l’on associe au mythe du potier Butadès de Sicyone (Dibutade).

Ce potier, dont l’histoire se situe à Corinthe pendant la Grèce Antique, avait une jeune fille amoureuse d’un garçon.

Comme il se devait de partir faire la guerre comme tous les jeunes de son âge, le potier pour atténuer la douleur engendrée par cette séparation pour sa fille, demanda au jeune homme de se placer en plein soleil, devant un rocher. Il serait, d’après le récit de Pline l’ancien celui qui, le premier, eu l’idée, de donner matérialité à l’ombre portée du visage du jeune homme, en modelant avec de l’argile, celle-ci.

De ce mythe, on en tira des origines, l’origine du dessin, de la sculpture, de la peinture.

Garder une image du corps manquant, conserver une trace,

de la disparition.

Cette incarna de l’image, cette volonté de fixer sur un support matériel,

Cet entêtement à sauvegarder une infime pellicule de ce réel, voué à la mort, est à l’origine de l’invention photographique au XIX siècle.

 

Et ici, avec cet ensemble, présenté, associant photographies, objet, nommé, Death valley,

aussi, il est question d’apporter la lumière.

Éclairer un territoire,

De la vallée de la Vère , éloigné de celle-ci, depuis longtemps.

Porter un regard.

Se retourner sur un passé.

Soulever, chercher, écouter, comparer, parler, échanger, relier et reconstituer.

 

Quand l’artiste marche dans les pas de l’archéologue, d’un passé proche,

Que certain.n.es auraient aimé qu’il ne soit, jamais été.

Faisant de l’investigation, l’essence de sa démarche,

de captation photographique, mais pas que.

De sauvegarde.

Sauvant d’une noyade, indéfectible. Absolu.

Collectant la laisse, échouée sur les plages du temps.

 

Reconstituant, collant des bribes, d’un territoire, volontairement mis dans l’obscurité.

Et ceci, sans occulter, choisir, sélectionner, laisser de côté,

l’aspect brut, au présent, de celui-ci.

Associant archives et représentations,

objets et témoignages.

 

Reconstituant l’épars

Elle donne matière nouvelle

Elle rembobine le mythe du potier, pour revenir

à ce moment.

 

Elle montre ainsi, en œuvre composée, en majesté, présentée.

(Pour porter cette vallée dans une lumière).

Ce temps, passé, que l’on dit, normal

Celui qui, pour certain.n.e.s, se nommait, le jadis.

Ou l’une et l’autre ne serait plus jamais,

séparé.

 

Thibault Le Forestier. Octobre 2022