mercredi 16 mars 2022

FLORIM HASANI / EXPOSITION L.A. GALERIE / 11 MARS AU 8 AVRIL 2022



Une odyssée graphique

 

Florim Hassani est un dessinateur né en 1980 au Kossovo, il vit et travaille à Rouen.  Depuis son plus jeune âge, la pratique du dessin a toujours été une manière quasi journalière de répertorier le réel, de constituer un carnet de notes graphique, dans la répétition de cette action, on peut le rapprocher de l’écrivain qui décrit journalièrement  les scènes dont il est le témoin, sans savoir, si, il va, de cette « matière », faire un jour, un récit.

Après avoir fait l’école des Beaux-arts de Rouen, il a continué à développer une œuvre essentiellement graphique et picturale, jalonnée de créations sculpturales, souvent déclinées de ses dessins.

Le dessin, comme résultat d’une digestion des souvenirs, du réel, de l’actualité

Rendre visible en utilisant des techniques artistiques, mais rendre visible, quoi ?

La pratique du dessin semble pour lui, d’abord,  la retranscription graphique, interprétée, du contenu de sa mémoire, du réel, du quotidien, du flux d’informations,  des thématiques nobles ou prosaïques.

Cette pratique journalière est pour lui l’opportunité de représenter des images, souvent figuratives et facilement reconnaissables. Elles ont pour particularités d’être réalisées sur des supports papier de formats très différents. Certains sur des formats de timbres-poste allongés, d’autres alternant les papiers beaux-arts aux papiers « industriels » d’impression ou support de tirages photographiques.

Son métier lui permettant de récupérer des chutes, des restes de papier, de grammages différents, de papiers photographiques qui eux ne révéleront aucune image du réel mais qui du fait de leur matérialité brillante, baryté donneront aux étendues d’encres d’étonnantes richesses visuelles suggérant que l’acte artistique est une révélation d’un dessin insolé sur le papier que l’artiste de part ses gestes, révèle au monde.

 

Qu’importe le support, le format.

Il nous dit qu’il travaille sur ce qu’il récupère, ne cachant pas le plaisir qu’il prend à déposer ses dessins aux crayons, comme à l’encre sur des matériaux, réagissant de manière très différemment les uns des autres.

Parlant de chaque dessin, il nous dit « qu’il cherche et que c’est cela qui le motive ».

L’expression graphique est rapide, sans repentirs, peut-être composée de quelques traits comme d’un travail long et minutieux.

Il y a un départ, il y a une fin au dessin mais l’œuvre ne peut pas être limitée à un seul dessin, elle semble se dérouler, être séquencée par la multitude sans fin de réalisations. Tel les emakimonos japonais, ces rouleaux ancêtres des mangas japonais, l’œuvre de Florim Hasani est à envisager dans son ensemble.

De nombreuses thématiques jalonnent sa démarche qui peut s’apparenter à celle d’un Sisyphe contemporain.

Un Sisyphe qui laisserait une trace dessinée en avançant ou plutôt en poussant éternellement une pierre du présent, déposant une inscription dessinée à chaque rotation, une démarche où chaque dessin constitue une représentation d’un temps, chaque dessin étant différent, chaque dessin n’ayant pas plus de valeur que le précédant et assurément moins que le prochain à faire par la suite.

L’artiste intègre et digère cette masse de matière, mémorielle, immatérielle, existentielle,  l’œuvre n’émerge pas toujours instantanément et peut poser plus ou moins longuement.

Le dessin comme moteur du plaisir de se perdre dans le labyrinthe

Pendant ce temps de gestation, des dessins reprennent des fois, pas séries, des thèmes qu’il cherche à épuiser tout en sachant, dès le départ, qu’il ne pourra sortir de ce labyrinthe et que les fils d’Ariane ou d’autres muses ne pourront que l’amener dans d’autres espaces labyrinthiques.

Il cherche alors de nouveau à les épuiser et comme dans un espace marin, ceux-ci reviendront alors par récurrence.

Les thématiques qui lui sont chères comme les représentations d’animaux monstrueux, les habitats, maisons, cabanes, habitats précaires, sont tels des phénomènes de marées.

Ils se répéteront encore et encore et toujours différemment et ils  laisseront sur la plage de sa table à dessin, des poteries cassées, des maisons en feu, des dieux oubliés, des noyés, des plantes chimériques…

Dessinez pour fixer le flux du temps

De ce ventre mémorielle émergeront alors des parties de constructions certaines utopiques, des vues de son village d’enfance, des images prosaïques auxquelles se mêleront des représentations de formes totalitaires, des postures idéalistes, mais aussi les silhouettes fragiles et évanescentes de migrants sur des embarcations faites de quelques traits de pinceaux aussi fragiles que le papier composant l’immensité des espaces qu’ils ont a traversés.

Une odyssée graphique débordante, répercutant et fixant les images qu’il a vu, qu’il voit.

Celle-ci n’ayant pas de début ni semble avoir de fin, ce qui semble compter dans ce voyage n’étant pas l’objectif mais le voyage lui-même.

Sans hiérarchie, ni logique, les représentations se superposant dans d’étonnantes boites, marquées seulement des années de création, la datation semblant n’exister que par leurs places dans cette superposition, comme Sherlock Holmes qui classait ses documents en fonction de l’épaisseur de la poussière qui les recouvraient.

«  Mémoire de la poussière », oxymore matiériste, titre qu’il donne à un de ses dessins, résume à lui seul, l’absence de choix, l’impossibilité de donner une valeur plus importante, à la représentation d’un chat étendu par le dessin qu’à une myriade de points tracés de manière circulaire.

En plongeant dans cette galaxie graphique, on pense à l’univers labyrinthique de l’écrivain Jorge Luis Borges qui dans « le livre des êtres imaginaires » comme dans les croisements temporels de « Fictions » nous questionnait sur la réalité et sur notre rapport au temps, l’œuvre n’est pas dans un dessin, dans un détail mais dans cette pluralité, ou est carte, quel en est le territoire ? La carte est une représentation d’un territoire ou le territoire est intégré dans une grande carte, elle-même présente sur un territoire ?

L’œuvre est-elle un abîme ou celle-ci est elle une grande vanité nous persuadant de l’impossibilité cartésienne d’englober dans un grand tout rationnel ?

L’artiste nous invite à plonger au cœur de sa boite de Pandore et à nous rendre compte que ce qui en émerge peut-être constitutif de toutes nos identités, la grande comme la petite histoire, le passé, comme le présent, le futur déjà avancé, comme un éternel retour réjouissant, une fantasmagorie inquiétante et étrange, sans finitude ni limites.

Thibault Le Forestier, février 2022


















 

lundi 14 mars 2022

L.A. GALERIE /EXPOSITION FLORIM HASANI/ EXPOSITION DU 11 MARS AU 8 AVRIL

 les expositions présentées à L.A. Galerie sont destinées à être un objet d'étude, d'expérimentation, d'ouverture culturelle pour les élèves et les enseignants du lycée Anguier

 

 











 

L.A. GALERIE VERNISSAGE DE L'EXPOSITION FLORIM HASANI/ EXPOSITION DU 11 MARS AU 8 AVRIL