L.A. GALERIE - Exposition Samuel Martin - 15 novembre / 14 décembre 2021


Quand l’image retourne (à l’atelier) et au charbon

Samuel Martin construit une œuvre exigeante utilisant le médium du dessin et de manière privilégié,  le fusain.

Sa maitrise du médium lui a permis de réaliser des œuvres graphiques qui allient des sources d’inspiration liées à l’histoire du cinéma, des photographies de magazines des années 70, mais aussi des représentations photographiques de ses proches.

Dans notre monde saturé d’images, que peut-encore le dessin? Que peut nous dire encore du réel, cette technique si fragile, si datée pour certains ?

À l’aide d’un médium et d’une technique classique, il bouscule les codes établis par un art contemporain se voulant en phase avec son époque mais devenu au combien classique dans ces processus devenus convenus et prévisibles.

Je le cite « Mes grands formats noir et blanc au fusain se lisent comme des images extraites d’un film. Le spectateur est placé en situation de voyeur ou de témoin. Que se passe t-il ? Comment interpréter la tension de la scène ? ».

Car c’est sur et avec la représentation d’images sur-représentées qu’ils travaillent comme un orfèvre.

Contrariant Walter Benjamin qui dénonçait la perte de l’aura de l’œuvre du fait de sa reproductibilité mécanique, avec l’avènement de la photographie, Samuel Martin recompose les dites images sur-exposées par leurs sur-représentations dans les médias par une mise au noir vertueuse grâce à une technique éminemment classique qu’il maitrise totalement.

Il assemble, réalise des collages graphiques faisant se superposer des stimulis visuelles, des images d’origine éloignées pour certaines dans des mises en abime inquiétantes.

Cet Umheimlich, cette inquiétante étrangeté, concept développé par Sigmund Freud nous rappelant, le concept de sublime, développé par Edmund burke, dans son ouvrage, Recherche philosophique sur l'origine de nos idées du sublime et du beau paru en 1757, s’opposant au beau classique, il développe une pensée de la représentation et distingue le beau du sublime, le beau est, d'après Burke, ce qui est bien fait et qui a une esthétique plaisante ; le sublime quant à lui a un pouvoir sur l'homme et peut le détruire.

Les œuvres de Samuel Martin joue constamment sur la crête de notre faculté de jugement, il nous met face à nos contradictions.

Comment vivre dans une société qui ne hiérarchise plus l’image, qui ne cherche plus à la décoder, inonder que nos yeux sont chaque jour, par ce déferlement d’images ?

Il crée des œuvres d’une grande théâtralité, inspirées des maitres classiques comme Le Caravage, dont il maitrise comme lui le clair-obscur.

L’image photographique, d’autant plus dématérialisée depuis qu’elle est numérique, retrouve un velouté, une densité, une matérialité, abandonnant son statut de simulacre cher à Jean Baudrillard pour acquérir une quasi-corporalité.

Samuel Martin n’est pas dupe de la galaxie trompeuse d’informations dans laquelle nous évoluons, il ne cesse de mettre et de retirer les masques sur ce réel qui nous apparaît que sous forme d’artefacts numériques.

Une œuvre qui génère un champ de problématiqueS en phase avec ce réel dont on ne sait si nous nous en sommes éloignés ou si nous nous en sommes rapprochés avec la pandémie.

Une œuvre fort à propos pour des élèves qui s’apprêtent à envisager des études supérieures. Qui leur permettront d’apprendre à regarder les flots d’images qui les absorbent avec un œil critique et cultivé.

Thibault Le Forestier. Octobre 2021