Fabrice Houdry. La courbe est le meilleur chemin pour atteindre un but que l'on ne connaît pas au départ. Texte de Thibault Le Forestier

 

La courbe est le meilleur chemin pour atteindre un but que l'on ne connaît pas au départ

 

Le travail de design graphique de Fabrice Houdry semble être en harmonie avec le mode de vie de celui-ci.

Quelque part, il semble avoir devancé la tendance actuelle, qui s’affirme suite aux confinements, à savoir travailler avec le proche, limiter ses déplacements et son empreinte carbone. Plutôt que de choisir de travailler dans des agences de communication pour des entreprises prestigieuses et des multinationales, Fabrice Houdry a fait le choix d’une indépendance et de fait a pu privilégier les interlocuteurs pour lesquels il a pu concevoir des réalisations dans le domaine des arts graphiques.

Ce choix de privilégier le proche, le connu est à l’image de son graphisme privilégiant, les couleurs douces, la courbe plutôt que la ligne droite. Est-ce à l’image de sa passion pour la déambulation dans le paysage, à vélo, qui lui permet de créer des compositions aussi harmonieuses et équilibrées ? De privilégier, les petites routes pour se déplacer plutôt que les autoroutes et les véhicules à moteur, en tous les cas, ce que l’on peut découvrir dans son travail est, qu’il n’y a point d’explosions, de tensions, de ruptures agressives dans son graphisme.

Qu’il porte autant d’attention pour réaliser une affiche pour son commerçant local que pour la compagnie de théâtre de rue du Royal de luxe. Que nommer son book TARAVAUX, nous fait plonger dans un univers poétique où celui-ci trace des sillons, petit à petit, passant de la conception d’abécédaires à des bestiaires pour la jeunesse, jamais didactiques, toujours en suivant des lignes de crêtes douces, sans jamais chercher la performance mais en maintenant l’effort et en s’adaptant devant les embuches.

Ayant choisi les pratiques sportives en extérieur au départ de son parcours, il a pu emmagasiner un répertoire de formes issu de la nature, du paysage qui se prête allégrement à son goût pour la stylisation. Une simplification dans les formes et les couleurs, sans réduction dans la qualité de celles-ci mais plutôt la conception d’un potentiel sans fin de modulations, rythmes, diminutions, agrandissements, bascules élégantes jusqu’à la quasi disparition du sujet.

Jusqu’où peut on aller dans la simplicité de l’expression graphique afin de permettre au plus grand nombre de pouvoir comprendre le message ? Doit-on être géométrique, orthogonale et aride comme dans la signalétique routière où est-il possible d’y ajouter un supplément de légèreté et de poésie dans l’ajout de contours ondoyants, de trames aux rythmes décalés afin de laisser les regardeurs s’approprier, l’image, de manière souple, de telle façon qu’elle puisse se fixer dans un quelque part, qu’ils auraient choisis.

Reprenant la maxime moderniste de Mies Van Der Rohe,  Less is more, qu’il aurait laissé germer dans un terrarium de Phasmes pour donner naissance à la courbe est la meilleure ligne pour atteindre un but que l’on ne connaît pas au départ.

Car tous les sujets semblent se prêter à création, le high comme le low. Et tous se doivent d’être abordés et pris en compte avec autant d’attention.

Cette attention et cette implication qui fait de lui, en plus, un passionné de transmission dans son métier d’enseignant dans le cadre de la Prépa école d’art à la Maison des Arts d’Evreux où le chemin en car lui permet, aussi, avec ses nombreux arrêts, de réfléchir à ses différents projets individuels et collectifs, notamment avec le collectif HSH avec lequel il conçoit, depuis de nombreuses années,  fresques, sérigraphies et espaces aux interactivités douces, de très grandes qualités, en porosité avec le territoire de proximité notamment lors de leurs résidences de créations réalisées dans les villes balnéaires de Seine-Maritime. Prouvant que tout sujet, falaises, galet, horizon, peut être objets poétiques de création.

On dit souvent qu’un artiste est une personne qui veut prolonger la période de l’enfance et la possibilité de pouvoir jouer d’événements microscopiques aussi bien que macroscopiques, force est de voir que Fabrice Houdry, relève le défi, avec la création graphique, de concevoir des outils de compréhension du réel  pour tous, il travaille actuellement à concevoir un ensemble de signes graphiques pour décoder les œuvres d’arts à destination des populations à handicap, pour le Frac Normandie Rouen.

À croire que le A majuscule, il l’utiliserait plus pour le mot Attention que pour le mot Art, il se méfie de cette tendance qui consiste à glorifier et à élever telle réalisation artistique, il me rappelle Banksky qui pour déjouer la spéculation sur son travail décida un jour, de manière incognito, d’installer un stand dans l’espace public à New York, à Central Park et de vendre à petit prix, ses réalisations.

Car un dessin reste un dessin et pour Fabrice Houdry, ce qui semble compter est ce qu’il va découvrir et non pas ce qu’il a réalisé, loin de cette volonté de thésauriser sur ce qui a été fait, Fabrice Houdry, reprend la posture du surfeur, qui attend patiemment la venue d’une vague, en joue avec douceur et souplesse et reprend avec autant d’attention et de patience la venue de celle qui le portera.

Thibault Le Forestier. Janvier 2024